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A Madagascar, le potamochère dans les bagages des premiers humains

Attention, surprise ! La chronique de cette semaine s’aventure en terrain vraisemblablement inconnu de la plupart des lecteurs. Il y a l’animal, d’abord : le potamochère. Que celui qui a déjà entendu parler de ce cousin du sanglier et du phacochère lève le doigt !
En Afrique, ce suidé est pourtant extrêmement commun. Les amateurs de viande de brousse raffolent de sa chair goûteuse. Les paysans l’apprécient nettement moins, qui maudissent ses razzias sur les cultures.
A Madagascar, il occupe une place plus importante encore. Depuis la disparition, il y a des siècles, des grands lémuriens terrestres et des hippopotames nains, il y détient le titre de plus grand mammifère de l’île. Mais son arrivée sur ce territoire de l’océan Indien a toujours été un mystère, à la mesure d’un autre mystère, celui du débarquement des humains.
Curieusement, Madagascar est l’île-continent (issue d’un détachement tectonique, par opposition aux îles volcaniques) la plus tardivement colonisée. Alors qu’elle n’est séparée de l’Afrique que par les 400 kilomètres du canal du Mozambique, elle n’a été habitée par l’homme qu’« avant-hier », aiment à dire les chercheurs. Autrement dit, il y a quelques milliers d’années : onze mille ans, affirment les plus audacieux, à partir de traces supposées de boucherie sur des os d’oiseau ; deux mille à quatre mille ans seulement, selon la plupart des scientifiques. En tout cas, on est loin, très loin, des soixante mille ans de colonisation humaine attestée en Australie, par exemple.
Un article, publié mercredi 3 janvier dans la revue Nature Communications, vient éclairer ces deux mystères. L’équipe internationale, pilotée par Rasmus Heller, de l’université de Copenhague, a d’abord voulu comprendre l’histoire évolutive du potamochère. Ou plutôt des potamochères. Car, depuis 1993, l’espèce a été scindée en deux, avec à l’ouest et au centre le Potamochoerus porcus, caractérisé par sa couleur rousse ; au sud et à l’est, le Potamochoerus larvatus, plus gris, plus râblé.
Les chercheurs ont analysé le génome de soixante-sept spécimens de dix pays. Il apparaît que les deux populations ont commencé à diverger il y a environ trois cent mille ans, en même temps que d’autres grands animaux (buffle, lion, éléphant, babouin). Commencé, mais pas vraiment fini. « La différenciation génétique reste modeste, insiste Rasmus Heller. Et on constate un flux de gènes entre les deux populations. » De récentes observations, dans l’ouest de l’Ouganda, semblent attester qu’entre P. porcus et P. larvatus on ne fait pas que se regarder dans le blanc des yeux. Ainsi, pour Rasmus Heller, « la spéciation n’est pas achevée ».
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